DOSSIER - Les émotions dans le travail

Angelo Soares

de Angelo Soares

Travailler
, 2002, 9 : 9-18

Le DOSSIER " Les émotions dans le travail " contient trois articles traduits de l'anglais, représentatifs du nouveau champ de recherches en sociologie ouvert par Arlie R. HOCHSCHILD. Ils permettent de mieux comprendre comment les questions de la subjectivité et de la santé mentale au travail sont abordées dans la tradition anglo-saxonne qui ne se limite pas au courant du stress. Les recherches sur le travail émotionnel (emotion work) traitent spécifiquement du travail dans les services, un secteur où la féminisation des personnels se conjugue avec l'invisibilité d'un travail sur et avec les émotions, travail trop souvent confondu avec l'être ou la féminité des travailleuses. Le courant des émotions dans le travail est particulièrement attentif à la dimension des rapports sociaux de sexe dans le travail. Enfin, ces articles permettent de découvrir des univers de travail très différents des nôtres, comme celui des cabinets d©ˆavocats californiens (Jennifer PIERCE), ou au contraire très semblables, comme celui des centres commerciaux ou des banques en Norvège (Ulla FORSETH et Carla JORGENSEN). Deux articles originaux ont été adjoints au dossier. Jean-François CHANLAT fait l'état de la question à propos de "l'intelligence émotionnelle". Aurélie JEANTET insiste sur le rôle du collectif de travail dans la régulation des émotions.

D'autres articles sont en résonance avec le contenu du dossier. Car c'est encore de travail émotionnel dont il est question dans l'activité des animatrices de messageries érotiques, décrite par Saloua CHAKER, tandis que l'article de Daniel WELZER-LANG permet de mieux situer le cybersexe dans le contexte élargi du commerce du sexe. Autre situation à forte composante émotionnelle, masculine celle-ci, celle des conducteurs d'autobus scolaires, dont nous parle Annie LOUBET-DEVEAUX. La montée de la violence et de l'incivilité ne peut être seulement imputée à la "délinquance"  des jeunes usagers, car l'échec de l'autorité des conducteurs (en tant qu'adultes et professionnels compétents) ne peut être dissocié des contraintes organisationnelles qui pèsent sur leur action.

Un journaliste est fauché par un cancer, dont il se demande s'il n'est pas l'issue d'une situation de travail insupportable. La souffrance de trahir ses propres valeurs est au cõur de ce drame que questionne Annie CHALONS. Le conducteur de bus, qui consulte Annie Loubet-Devaux, ainsi que le journaliste, sont des hommes qui ne parviennent pas à maintenir une position virile cynique, et ce, pour diverses raisons. La critique de la virilité est nécessaire, mais ne négligeons pas que quelque chose, qui nous échappe, est en train de se déliter du côté des univers de travail masculins. On peut imaginer que c'est capital du fait que les formes émergentes en sont spectaculaires et sidérantes, se traduisant souvent par des maladies graves ou par des suicides.

Et ce sont aussi des décompensations occasionnées par le travail, mais du côté des femmes, que décrivent Marie PEZE et al. dans leur article consacré au harcèlement moral et à la dynamique complexe des situations réelles que recouvre le couple" un pervers- une victime ".

 
  • Dates
    Créé le 9 juin 2011