DOSSIER - "Les femmes aussi ont un cerveau !". Le travail des femmes en ergonomie : réflexions sur quelques paradoxes.

Catherine Teiger

de Catherine Teiger

Travailler
, 2006, 15 : 71-130



Résumé : Le travail des femmes a joué un rôle important dans l'orientation initiale d'Alain Wisner vers la conception de disposititfs de travail "adaptés" aux travailleurs et dans l'élaboration de l'arsenal conceptuel et méthodologique qu'il a construit. Mais ce rôle est resté pour une bonne part "invisible", car non -problématisé. Après avoir rappelé l'influence assumée de l'oeuvre de deux femmes, Simone Weil et Suzanne Pacaud, sur la démarche de Wisner, l'auteure montre que la sortie du laboratoire, la découverte du travail "réel" et de l'intelligence des travailleurs eurent lieu grâce à l'incompréhension du travail des femmes par des hommes (syndicalistes et chercheurs). Plus largement, l'ergonomie du "laboratoire Wisner" s'est développée grâce à l'analyse du travail féminin : dans l'industrie électronique, d'abord, puis dans la confection, la métallurgie, les Tabacs et Allumettes, le matériel de précision, peu à peu dans les services, remettant en question les stéréotypes scientifiques et sociaux sur "les femmes". A quel homme le travail doit-il être adapté ? De fait, cet "homme" est souvent une femme : en dépit d'exception notable, en particulier au Québec, dans beaucoup d'ouvrages et traités d'ergonomie la plupart des exemples illustratifs de situations de travail concernent des travaux effectués par des femmes : mais le texte de fond est au masculin, sans que jamais soit discuté comment s'est effectué cette généralisation. L'auteure analyse les motifs de cet effacement en mettant l'accent sur la tension entre généralisation et variabilité, tant sur le plan épistémologique que sur le plan de l'action syndicale.

Mots clés : Ergonomie, travail des femmes, généralisation scientifique, action syndicale.